Législation versus Prévention ?
ou la complémentarité du trio prévention - médiation - formation

Dans chaque département, des arrêtés préfectoraux régissent les horaires d’ouverture et de fermeture des débits de boissons. A Nantes, la préfecture de Loire-Atlantique a délégué ce pouvoir à la municipalité. Les associations qui établissent des cafés ou débits de boissons pour la durée des manifestations publiques qu’elles organisent ne sont pas tenues à la déclaration prescrite par l’article L. 3332-3 mais doivent obtenir l’autorisation de l’autorité municipale. Au sein des mairies, les organisateurs d’événement nocturne sont en lien avec différents services que sont la culture, la voirie ou encore la sécurité, souvent nommée “tranquillité publique”.
De manière générale, David Milbéo, du Collectif Culture Bar-bars, explique que “les réalités temporelles entre les organisateurs d’événements nocturnes et les collectivités sont différentes. Certains dépôts de dossiers peuvent ne pas respecter les procédures. Il est alors important de savoir faire la part des choses dans le débat public et d'éviter de propager les fake news”. Les principes fondamentaux qui ressortent sont les besoins de responsabilisation et l’équité de traitement. La prise de responsabilité doit être collectives, les désagréments des uns ayant un impact d’image sur l’ensemble d’un secteur. De plus les sanctions de fermeture administrative n’ont pas le même conséquence sur l’ensemble des entrepreneurs qu’ils gèrent des structures permanentes ou temporaires, vulnérables économiquement ou pas. Jean Yves Kerhornou, du Joker’s Pub, invite à réfléchir aux différentes pratiques. “N’y a-t-il pas trop de lieux qui travaillent à l’arrache à l’encontre de toutes les lois en vigueur et qui poussent les autorités à durcir les réglementations. (...) La profession deviendra une jungle sans foi ni loi. C’est ce qui pourrait arriver de pire pour les artistes.”
La notion d’équité est également soulevée afin de permettre à une diversité d’acteurs d’exister dans un écosystème commun. La législation et les politiques publiques génèrent des crispations du secteur lorsqu’elles mettent en danger la diversité musicale ou des acteurs économiquement vulnérables. C’est dans cet état d’esprit que les professionnels (Agi-Son, Prodiss, SACEM…) s’associent pour obtenir une révision du décret “Son”. Applicable depuis le 1er octobre 2018, de nombreuses mesures de ce décret sont pour l’heure inapplicables pour de nombreux organisateurs et gérants de lieux. La baisse des basses fréquences nuit à l’ensemble des esthétiques musicales, notamment aux genres comme le reggae, les musiques électroniques, le dub et le hip hop. “Ça va être une de nos grosses difficultés, voire la fin du festival.” explique Olivier Bruneau, du Ducamp. “Notre esthétique implique de permettre aux artistes de venir avec leur propre système son. C’est le prolongement de leur instrument. Nous n’avons pas la main sur ce qu’ils en font”. Pour les festivals et les lieux de proximité, l'impossibilité technique de mise en œuvre, additionnée au coût de mise en conformité (achat d’afficheurs, d’enregistreurs, de nouveaux systèmes de diffusion, formation du personnel...) met en danger ces entrepreneurs, déjà vulnérables, d’autant qu’aucun soutien financier ou accompagnement n’est prévu.
Au delà de la législation, la prévention semble indispensable !
Au delà de la législation, la prévention semble indispensable. L’exemple de l’alcoolisation des mineurs est flagrante. La législation est claire. Selon l’article L3342-1 du code de la santé publique, la vente d'alcool aux mineurs est interdite. Pourtant selon les chiffres des résultats des enquêtes Escapad chez les jeunes des Pays de la Loire publiés en novembre 2018 par l’Observatoire régional de la santé affirme que le taux de jeunes de 17 ans ayant déjà consommé de l’alcool en région est nettement supérieur à la moyenne nationale. "Les mineurs n'ont pas le droit d'entrer au Warehouse. Nous contrôlons toutes les pièces d'identité" explique Quentin Schneider du Warehouse "mais ça ne les empêchent pas de déambuler sur le Hangar à Bananes" lors des tonus et de picoler entre copains à l'extérieur". En 2017, 92% des mineurs ligériens ont déjà consommé de l’alcool contre 82% au national. Le taux d’usagers réguliers d’alcool parmi les jeunes ligériens reste encore en 2017 très nettement supérieur à la moyenne nationale (12% vs 8%). Ce constat est retrouvé pour les alcoolisations ponctuelles importantes (API), définies dans les enquêtes Escapad comme la consommation d’au moins cinq verres en une seule occasion. Malgré une baisse, les taux d’API dans la région restent en 2017 nettement supérieurs aux moyennes nationales (53% vs 44% pour les API au moins une fois dans le mois, 22% vs 16% pour les API répétées). Pour l’usage régulier d’alcool et les API répétées, les Pays de la Loire présentent les niveaux les plus élevés de l’ensemble des régions françaises. Face à ces constats, tous les adultes sont engagés dans cette responsabilité : les commerçants ayant un débit de boisson, les producteurs d’alcool, les médias, les éducateurs y compris les parents. “Durant la saison estivale, les parents nous reprochent de refuser la vente de Monaco ou de Panaché à leurs adolescents. Et cette situation n’est pas rare. Cela se produit 2 à 3 fois par semaine” explique Daniel Reyes, du café les tontons nageurs à La Bernerie-en-Retz (44).
Si l’application de la législation n’aboutit pas et montre la limite d’un "tout-répressif", les politiques de prévention doivent prendre le relais. C’est en ce sens que l’Agence Régional de Santé (ARS) développe un nouveau programme de prévention des addictions sur la période 2019-2022. “En 2017, le budget annuel alloué par l’Agence Régionale de Santé (ARS) à cet effet était d’1 million d’euros. Il est fixé à 3 millions d’euros en 2019” écrit Ouest-France dans son édition du 30 mars 2019. Au delà des problématiques liées aux addictions, plusieurs années de pratiques de la réduction des risques ont fait la preuve de la plus grande efficacité des dispositifs impliquant les pairs, se basant sur le principe que les messages sont mieux entendus et reçus s’ils sont transmis par des pairs. Des jeunes vont à la rencontre d’autres jeunes afin de prévenir les risques liés à la santé, de dialoguer, d’informer, de responsabiliser et de réaliser des médiations en cas de conflits. les approches peuvent différer. La prévention par les pairs peut se faire de plusieurs manières : via de la déambulation (Nantes) ou, plus statique mais aussi visible, via un stand d’information et d’échanges par le biais de démonstrations à un stand (Angers). Si la plupart des villes soutiennent un dispositif porté par une mutuelle étudiante ou une association de santé, la ville d’Angers a fait le choix en 2015 de porter directement le dispositif les Nox.Ambules pour maîtriser le dispositif et en réduire le coût.
Une stratégie globale qui dépasse la seule communication
Face aux risques de comportements violents ou inappropriés, plusieurs festivals de la région Pays de la Loire se sont rassemblés pour réaliser une campagne commune afin de lutter contre les comportements inappropriés en milieu festif. Les objectifs de ce projet sont d’approfondir collectivement et de mutualiser leurs pratiques en matière de prévention, de monter en compétences sur la question des agressions (sexuelles, sexistes, homophobes...) et de mettre en lumière les valeurs d’ouverture et de partage qu’incarnent les festivals. Cette campagne prendra forme sur l’été 2019. L’enjeu est de permettre sa déclinaison sur l’ensemble des espaces à caractère festif. Et le succès de cette campagne de prévention reposera sur une stratégie globale qui dépasse la seule communication. L'intervention, la posture, l'aide aux victimes ne peut s'improviser. Ainsi, des sessions de formation sur ce sujet sont proposés aux équipes salariées, bénévoles et aux prestataires de sécurité de ces festivals.