Portraits déconfinés (9/10)
Les lieux pluridisciplinaires

Confinement en toute bienveillance
« Branle-bas de combat ! » L’expression revient dans la bouche des responsables de structures pluridisciplinaires quand les « lieux recevant du public non essentiels à la Nation » ont été sommés de fermer. « Nous avions ouvert Le 122 deux mois auparavant, ça a été une claque pour l’équipe » révèle Margaux Lainé, chargée de communication du tiers-lieu culturel angevin. Selon les situations, très diverses, les sites ont tiré un trait sur leurs activités : plus de spectacles, ni d’ateliers ou d’activités ; ceux qui n’accueillaient pas encore de public en mars ont revu leur plan de bataille. Tous se sont en tout cas organisés pour faire face à la conjoncture : réunions de crise, sécurisation des finances, installation d’outils, mise en activité partielle de certains salariés…
Pour Antoine Leborgne, responsable du projet Le 23 à Nantes qui devait s’inaugurer le 23 avril, « le plus dur a été le manque de vision et le flou ; on s’est mis à vivre au jour le jour ». Face à l’incertitude, François Gabory, directeur du Jardin de Verre à Cholet, qui a retiré ses 27 spectacles de fin de saison, a toujours préconisé « d’attendre l’évolution des choses et de ne pas prendre de décisions trop précipitées ». Certains comme Pick Up Production, en passe d’ouvrir Transfert à Rezé, ont décidé d’annuler toute leur programmation estivale en attendant que le confinement s’aplanisse : « L’idée était d’éviter d’épuiser les équipes dans l’écriture de scénarios différents » explique Fanny Broyelle, directrice adjointe de l’association. Car pendant cette période, outre la gestion des projets, prestataires, contrats et publics, beaucoup insistent sur « le lien et la solidarité » tissés avec les équipes et « le souci permanent des uns et des autres dans leur manière d’appréhender le confinement » selon François Gabory.
Reprise et nouvelles pratiques
« Avec les usagers, nous avons manifesté devant la MJC pour dire qu’on en avait ras le bol d’être mis de côté » raconte Agnès Bertin, directrice de la MJC Ronceray - L’Alambik au Mans, agacée par la position d’entre-deux des MJC n’entrant pas dans la catégorie "centre sociaux" mais ayant parfois des missions proches. Après quelques déconvenues, la plupart des lieux pluridisciplinaires a tout de même déverrouillé ses portes, au compte-goutte, selon les activités autorisées. Une occasion de renouer avec les équipes et de ré-expérimenter : Reprise des résidences artistiques, réouverture des espaces bar-restaurant, mise en place d’événements hors les murs… Pour d’autres, en attente de lancement, comme le tiers-lieu Le 23 qui se déconfinera le 15 août, « le rythme n’a pas réellement changé » juge Antoine Leborgne.
Néanmoins, la crise sanitaire semble porter quelques fruits. « Il y a un côté hyper vitalisant » témoigne Agnès Bertin, qui prend en exemple les formes proposées hors les murs : « ça oblige tout le monde à sortir de son confort habituel et c’est riche ». Également du côté de Transfert qui s’est remis en route avec des accueils de compagnies en résidence : « Ça nous a permis de nous rendre compte des potentialités de Transfert comme lieu de fabrique et espace à destination des artistes » affirme Fanny Broyelle qui pense au prochain accueil du public « en toute humilité » et se laisse, avec l’équipe, le droit « de continuer sur cette voie, de revoir la copie, éventuellement de refermer » selon les situations. Au 122, en même temps que le lieu a été réaménagé, des captations live se sont organisées. « Une solidarité s’est montée entre les structures angevines » raconte Margaux Lainé qui évoque de prochaines captations, « personne ne peut réellement reprendre son activité, donc on crée ensemble. » Pour Antoine Leborgne, peu convaincu par les possibilités numériques : « tout n’est pas transposable en visio ; le propre de l’événement est de croiser les publics, les faire se rencontrer et partager un temps ensemble ».
« Quelles priorités pour demain ? »
« Nous n’avons pas à nous réinventer » s’insurge calmement François Gabory, « on a énormément de richesses, d’expériences, on foisonne d’idées depuis des années ! Il faut surtout se poser la question des priorités de demain » La culture en sera-t-elle une ? « C’est une vraie lutte à porter. » Fanny Broyelle abonde, s’inquiétant de la hiérarchisation des secteurs qui pourra se poser : « L’inquiétude, c’est 2021. Nos financements sont remis en question chaque année. » D’autant qu’avec l’hybridation des modèles économiques, « comment les entreprises vont se comporter vis-à-vis des ‘secteurs non prioritaires’ ? »
Article écrit par Le Sceno
photo : MJC Ronceray / Rassemblement pour la ré-ouverture