Année blanche pour les intermittent.e.s du spectacle
Retour sur un décret très attendu

Le décret du 29 juillet entré en vigueur le 30 juillet 2020 fixe les conditions de l’année blanche pour les intermittent.e.s du spectacle au titre des annexes VIII et X. La mesure phare du texte est le report de la date anniversaire de tous les intermittent.e.s arrivant à échéance de leurs droits entre 1er mars 2020 et le 31 août 2021 au 31 août 2021.
Pour qui ?
Les intermittent.e.s du spectacle concerné.e.s par ce dispositif d’urgence sont les personnes qui justifient d’une date d’anniversaire ou d’une fin de droit aux allocations (aide au retour à l’emploi, allocation de professionnalisation et de solidarité et allocation de fin de droits) entre le 1er mars 2020 et le 30 août 2021. Le report est automatique, il entraîne un examen de réouverture des droits au 1er septembre 2021 (ou à la date de fin de contrat si l’intermittent.e est sous contrat à cette date).
Ces dispositions ne s'appliquent pas aux primo-entrants, qui bénéficient uniquement de l’allongement de la période de référence d’affiliation de la durée de confinement du 1er mars au 15 mai pour rechercher leurs 507 heures (relevée donc de 12 à 15 mois). Dans le contexte actuel, malgré des prémices de reprise des programmations dans le respect de normes contraignantes (configuration assise, port du masque, désinfection…), il est à craindre que l’accès au régime d’assurance chômage pour ces artistes ne soit complexe. De la même façon, pour les professionnels techniques que la crise a durement touchés (voir enquête flash), les contrats dépendant de l’activité de spectacles, sans reprise franche des productions, l’activité reste ralentie.
Autres oublié.e.s du dispositif, les électrons libres des musiques actuelles, artistes aux carrières hachées, avec parfois de nombreuses années d’intermittence à leur actif mais non linéaires, qui seront considérés comme primo entrant alors que leur situation appellerait des dispositions spécifiques.
!Attention! depuis la parution du décret, le ministère de la Culture a annoncé le 16 septembre l'ouverture d'un fonds d'urgence spécifique de solidarité pour les artistes et les techniciens du spectacle (FUSSAT) en partenariat avec AUDIENS. Y sont éligibles les artistes et techniciens du spectacle qui n’entrent pas dans le champ d’éligibilité du décret.
Plus d'informations et modalités ICI.
Augmentation du plafond du nombre d'heures d'enseignement
Afin de faciliter l’accès au régime ou au renouvellement des droits en 2021, le décret relève le plafond du nombre d’heures d’enseignement de 70 à 140 heures pour tou.te.s, et de de 120 à 170 heures pour les artistes et techniciens âgés de 50 ans et plus, à la date de fin du contrat de travail retenue pour l'ouverture des droits ou la réadmission. Attention cependant, ces heures d’enseignement rentrent bien dans le calcul des droits mais relèvent par principe du régime général, ce qui a un impact sur leur taux d’indemnisation (les salaires afférents à ces heures n'étant pas pris en compte dans le calcul de l'indemnisation).
NB : Afin que les heures d’enseignement soient prises en compte, elles doivent:
- correspondre à la transmission des compétences de l’artiste au titre de son art
- L’artiste doit enseigner dans le cadre d’un contrat de travail (CDD ou un CDI).
Les heures retenues sont celles qui sont comprises dans la période de recherche d’affiliation. - L’enseignement doit être dispensé dans un établissement agréé.
Examen anticipé des droits : possible et souhaitable ?
Déjà des interrogations traversent le secteur : est-il pertinent d’attendre la date anniversaire commune du 31 août 21 pour demander un renouvellement de ses droits ? Le décret n’anticipe pas les moyens humains supplémentaires dédiés à Pôle Emploi et quelques craintes se font entendre quant à la capacité de l’organisme à gérer des dizaines de milliers de dossiers d’intermittence, complexes, dans un délai serré.
Le réexamen anticipé des droits est possible, et peut-être un choix judicieux pour celles et ceux qui comptabiliseront 507h courant 2021, et souhaitent que les heures de l’été 2021 comptent pour l’année suivante.
Reprendre et soutenir l’activité : priorités des prochains mois
En définitive, le texte sous sa forme actuelle apporte une sécurité aux artistes et techniciens ayant déjà des droits, en maintenant le régime pour un an, mais ne permet pas de compenser la perte de revenus importante liées à l’arrêt des spectacles et reste silencieux sur les perspectives de reprise de l’activité salariée. Avant la crise, seul un intermittent sur 5 considérait que le renouvellement de ses droits se ferait aisément et 70% des musiciens professionnels avaient un revenu annuel inférieur au revenu annuel médian français (Profils et conditions de vie des musiciens – étude Le Pôle, Fraca-Ma, 2016). Sans reprise de l’activité culturelle, les situations individuelles sous tension se multiplieront pour entretenir et renforcer la précarité d’un secteur dépendant de l’activité culturelle.
Stimuler la reprise est aujourd’hui une clef défendue par plusieurs organisations professionnelles. Plusieurs leviers peuvent être activés, de la reprise des concerts en configuration debout, au soutien à la création et passant par des mesures d’aide pour les cafés concerts et autres acteurs de la diffusion, indispensables maillons de l’écosystème des musiques actuelles.